Review-réponse à Bertrand Badré, sur son dernier livre “Voulons-nous (sérieusement) changer le monde ?”
Je lis avec ravissement cet essai rationnel, intelligent, visionnaire, et même spirituel de Bertrand Badré. Lui qui a vu le “système” de l’intérieur au plus haut niveau, et qui décidé d’utiliser la finance pour donner son coup de barre à l’économie, vers du plus durable.
Je lui réponds — en particulier sur ses conclusions et recommandations de son chapitre 9 — avec ce que nous avons produit au sein de nos think tank et incubateur…
Soyons ambitieux mais réalistes…. ça va prendre du temps
Effectivement, quand on chiffre les enjeux, notamment les ODD, doublés du coût de chocs comme le Covid-19, catastrophes en tous genres ou vieillissement de la population et guerre des talents, nous arrivons pour le monde occidental à une dette, et/ou un coût à financer de plus de 20x les PIB des pays.
Nous ne les avons pas. Et quand bien même nous les aurions, nous n’aurons ni le temps ni les talents pour gérer “à temps” ces enjeux.
Par contre, et en respectant scrupuleusement la loi de multiplication des nombres (aspect viral), et en utilisant l’intelligence systémique, il est parfaitement possible de créer une dynamique exponentielle d’engagement pour “construire à côté”. Oui, les propriétaires de “la maison qui brûle” n’ont ni les pompiers, ni l’eau, ni la volonté d’éteindre l’incendie. On le sait maintenant et on sait pourquoi: les générations Baby Boomers, X et Y ont tout à perdre avec le changement.
Créons une dynamique de création d’îlots de résilience, avec ceux qui veulent faire ce travail tant personnel que de reconnexion générale et à une efficacité de ressources. Chaque îlot va innover, expérimenter, autour de sujets aussi divers que les écovillages, la formation aux métiers de demain de pair à pair, la production locale et multimodale d’énergie, le traitement local de déchets etc. etc. Ensuite, elle en inspirera d’autres à en faire autant, mieux et avec plus d’amplitude. Ca rassurera progressivement les plus récalcitrants, les “Saül — Saint Pauls” en attente… Faites X2 tous les 6 mois, et en 5 ans il est parfaitement possible d’en créer plus de 5.000 — avec un impact macro très sensible — ça à chaque fois de multiples ramifications avec les entreprises et les services publics ainsi qu’avec les associations citoyennes.
Nous démarrons notre programme Extrapreneurs à l’international en franchise (7° Edition Mangroves), sur ces bases-là, en mars 2021 — en combinaison avec la consolidation du “Systemic Solution Center” du Club of Brussels.
Une approche systémique, avec une vue d’ensemble, plutôt que chaque thématique abordée séparément et consécutivement.
Nous le savons à présent, il est impossible de gérer un enjeu après l’autre, séparé du contexte et du reste des enjeux. On fait plus de mal que de bien car sans une bonne compréhension des “feedback loops” (impacts collatéraux — externalités), des mesures dites “linéaires, non-systémiques”, créent plus de problèmes que de solutions (voir impact très limité voire négatifs lors des 10 dernières années COP, SDG, et autres CSR).
A contrario, si chaque initiative prise où que ce soit sert plusieurs enjeux à la fois — qu’il s’agisse de “multisolutions” — alors l’effet multiplicateur vertueux fera naturellement son effet, doublé d’une courbe d’apprentissage exponentielle. La cerise sur le gâteau sera le processus d’émergence systémique de toutes nouvelles solutions inattendues.
Principe de la systémique:
https://clubofbrussels.org/wisepaper/WisePaper_2.pdf
Exemples de multisolutions:
https://clubofbrussels.org/wisepaper/WisePaper_3.pdf
Optimiser les processus en les adaptant. Utiliser au mieux les ressources disponibles.
En occident, nous sommes trop riches, donc devenus paresseux par rapport à notre intelligence économique et à l’utilisation des ressources. Encore à ce jour, des dizaines de milliers de véhicules vides entrent en ville et leurs conducteurs rognent leurs volants à cause des encombrements. Des millions de m² de bâtiments obsolètes sont vides ou sous-utilisés. Des millions de tonnes de déchets = ressources sont incinérées (au mieux) et partent en fumée. Et le pire, les talents de nos jeunes sont étouffés par l’anxiété, l’inquiétude, et finissent par perdre courage et/ou partir.
C’est vraiment indécent.
La nécessité réveillera la créativité et l’efficacité. Pour des questions de survie biologique, psychologique et économique, nous allons naturellement apprendre à croiser les ressources sous-utilisées avec des besoins criants. C’est le principe même du concept de l’économie systémique et de son “alliance map” (croisant ressources et besoins à 7 niveaux dans un écosystème de parties prenantes).
La formation que nous proposons est dispensée :
- dans les cohortes d’Extrapreneurs
- en business schools, notamment Vesalius College VUB
- et en Advanced Certificate exécutif
- en “quick class”, sur votre propre projet
- en ligne
Coopérations à grande échelle public-privé-société civile.
Tous les projets où chaque acteur joue cavalier seul (les entreprises entre elles, le public/politique, les associations citoyennes “alternatives”) sous-performent.
La meilleure recette toute catégorie sont les alliances intelligentes et visionnaires entre acteurs publics/politiques + entreprises et entrepreneurs + société civile / citoyens. Ceci dans une dynamique de contribution au Bien Commun.
En bonus, des alliances constructives avec monde académique (recherches et développement), médias (communication inspirante) — le tout bien ancré dans environnement naturel et contexte territorial.
Chacune de nos “Mangroves Économiques Extrapreneurs” est construite sur ce modèle by design — ayant appris des “best-in-class” en développement territorial.
Transformation numérique.
Sans naïveté, prendre le meilleur de la tech — et la mettre au service des enjeux plutôt qu’au service du prochain milliard récolté lors de mise en bourse ou de vente à l’un ou l’autre géant. Certes.
Mais aussi, bien dessiner les contours des risques attenants de ces technologies. Il y aura toujours 2 aspects :
- des opportunistes qui feront tout (et plus encore) pour en faire leur profit, sans se soucier de valeur ni d’humain ni de rien d’ailleurs;
- des risques systémiques qui peuvent venir disrupter les solutions (blackout, hacking, hyper-complication, refus psychologique et social de la tech,…)
Choisissons de préférence de la basse technologie, fiable, robuste, sécurisée. Ensuite, garder une agilité et flexibilité, et des processus technologiques progressifs qui inclut vos alliés stratégiques..
L’humain au centre des préoccupations et des solutions.
L’humain faisant intégralement partie du vivant, et non pas en contrôlant du vivant (voir potentiellement sauveur) est invité à se reconnecter au contexte, à la terre et à ses éléments, à la sagesse et aux spiritualités inspirantes, aux parties prenantes de tous ordres.
Mais le vrai trésor de l’humain est son potentiel sous-utilisé, son intelligence collective, ses talents dormants, sa puissance émergente. Nous ne sommes qu’au tout début des découvertes de notre propre puissance. Nos expériences avec l’expérientiel avec les “taos”, les apprentissages de pair à pair au sein des incubateurs Extrapreneurs, des clés de l’inclusion et du développement durable humain, nous ont permis de charpenter un chemin de mise en puissance de chacun, tout horizons et générations confondus. Il fait partie intégrante de la création des îlots de résilience.
Remettre la fraternité au coeur de la société.
La fraternité est promue par tous les prophètes et avatars — mais l’égo et l’avidité l’ont trop souvent emporté. A présent, et pour des raisons de survie de l’humanité, contraint et forcé, l’humain va devoir s’allier aux autres. Cela demandera de lâcher un peu égos et possessions. Mais le retour sur investissements et colossal: bonheur et montée de sérotonine, efficacité des ressources démultipliés, au service des besoins de tous.
Tous les exemples les plus efficaces de communautés qui oeuvrent en suivant leur quête vertueuse de bien commun, sont portés par un leadership de coeur: voir les gens comme des humains “entiers” et “aimables” peu importe leur histoire — et tous sont à haut potentiel pour autant qu’on leur donne chance et reconnaissance. C’est le constat unanime de nos recherches sur des centaines de projets hyper-efficaces faisant passer les services publics comme de amateurs incompétents. Le plus souvent même totalement en dessous des radars. Ce sont des personnes humbles qui n’aiment pas les spotlight. Prenons-en exemple.
Valeurs avant valorisation.
Pendant deux décennies, j’entendais systématiquement: “Pfff oui l’humain, les valeurs, oui mais, where’s the money?”…
Maintenant, je leur pose la question: “Qui veux-tu attirer demain, comme collaborateurs, alliés stratégiques, et clients, en ayant des valeurs court-termistes, politiques de bas étage, machistes, et avides ?”
Demain, la valorisation sera une conséquence d’un alignement de valeurs, de vision, de quête, de contributions au progrès. Une conséquence. Les valeurs et la cohérence seront un prérequis, une condition sine qua non. Les autres s’enfonçeront dans l’entropie amalgamée de névroses.
Nous avons, avec notre outil 7D-Value, créé un algorithme qui évalue — sur 7 bilans tangibles et intangibles/immatériels — les valeurs en y mettant un chiffre en monnaie. En actif et en passif, donc + et -. Le passif étant un potentiel, il est tout aussi important. Cet algorithme est également décliné en mapping de risques dits “systémiques”, externes et internes. Cette approche faisant intimement partie de notre philosophe et outils, fait lien chiffré entre valeurs et valorisation, dans tous les POC que nous traitons.
Résister à la tentation du mur défensif, et aller vers une souveraineté assumée.
La peur et l’angoisse provoquent, pour la plupart, un repli sur soi. Bien que le retour à soi et à son développement soit salutaire, la peur — elle — nous met sur la défensive en nous éloignant des vrais solutions, intérieures, basées sur les valeurs collaboratives.
Tous les principes et succès des nouvelles approches sociétales qui réussissent sont basées sur la puissance et l’excellence assumée de chacun. De chaque culture, chaque territoire, de chaque organisation. Pour ce faire, il faut déjà faire l’analyse de qui nous sommes (individuellement et en équipe). Et ensuite, le communiquer. Trop nombreux sont ceux qui font l’économie de ce travail. Mais il est cuit dans le moule de l’approche de l’économie systémique.
Instaurer une culture du mieux, et non plus du “plus”. Transcender l’avarice, peur et l’accumulation.
Le sage disait: “Je ne suis pas assez riche pour acheter bon marché”. C’est du bon sens pur et simple. Le mieux crée plus de valeur durable à tous niveaux, et pour tous, et nous projette sur un progrès plus tangible à moyen terme.
Le changement, pour et avec les jeunes.
Cela va sans dire, nous avons — ensemble (Gen Baby boomers → Gen Y) — écrit le scénario de la plus grande injustice de tous les temps. La dette multiple (+/- 20X PIB) que nous laissons aux générations futures est totalement incommensurable et obscène. Impossible à honorer par ces générations Z et Alpha qui non seulement sont témoins depuis leurs naissances de crises en série, et qui sombrent dans au moins 3 décennies de plus de crises successives et changements drastiques — du jamais vus dans l’histoire connue. Et tout cela par paresse intellectuelle, par avidité, par égoïsme, par un aveuglement dopé à la dopamine.
https://clubofbrussels.org/wisepaper/WisePaper_1.pdf
Chaque jour, nous continuons à leur mentir, à tricher pour garder le peu de ce qui nous reste de certitudes, et à les voler sur plusieurs générations. Par peur, par avidité, par paresse, par inertie. C’est indécent.
Nous avons décidé de leur dire la vérité. Toute la vérité. Et de les impliquer en première ligne dans cette mutation. Transcender dogmes et politiques, mais aussi en les invitant à s’allier à ces gens merveilleux de toutes générations, horizons, formation, et pays. Nous les écoutons, et leur donnons la main. Pas comme de parents soi-disant protecteurs, mais comme apprenants, comme partenaires de découverte. Oui, nous savons que nous avons humblement beaucoup à apprendre d’eux. Et accessoirement, c’est eux qui signent les chèques pour nos bobos d’ici 5 ans!
D’abord, nous changer nous-mêmes… avant d’aller essayer de sauver le monde. De façon humble et pragmatique.
Se ruer sur une dynamique de “sauvons le monde”, sans prise de recul et sans incarner sagesse et vision, en connaissance de soi, ne mènera qu’au casse-pipe, épuisement, névroses de sauveur frustré. C’est immature, puéril, et surtout totalement inefficace.
Nous avons fait le choix de tisser un chemin de montée en puissance personnelle, en parallèle avec la création de communautés conscientes dans les “Mangroves Extrapreneurs”. La recette fonctionne. Et heureusement, nous ne sommes pas seuls. Des milliers d’autres le font également dans leur pays, avec leurs quêtes et connaissances uniques. Allons à leur rencontre…
Bertrand Badré conclut en nous invitant à nous rappeler les paroles de Alexandre Soljenitsyne à Harvard en 1978:
Notre rapport à la vérité: devenons des chercheurs de vérité, sans complaisance, humbles et courageux. Faisons-lui face. Arrêtons de fuir nos névroses ainsi que nos incohérences.
Notre rapport à la transcendance: oui, reconnaissons que nous ne sommes que des humains adolescents qui sont en train de démarrer la découverte des merveilles de la création (après les avoir bafouillé certes… mais soit). Une des clés se trouve dans notre “reconnexion” à notre mère la terre, aux acteurs dans nos écosystèmes, parties prenantes, mais aussi à nos lignées spirituelles et de sagesses. Il y a comme de la marge de progrès en termes de sagesse — et tout est là.
Notre rapport à notre courage: en déclin, mais il va falloir le cultiver. Pour survivre, ou même pour vivre tout court … Mais probablement que les chocs à venir vont nous donner de coup de botte nécessaire au réveil, afin de nous des-hypnotiser de leurres et de paillettes creuses.
Bonne lecture !
Prof. Michel de Kemmeter