La Relance post-Covid : planche à billets ou co-création participative citoyenne ?
Le post-covid pointe le bout de son nez. Nous commençons à voir apparaitre des “plans de relance” un peu partout. Entre incantations, greenwashing, planche à billets, rapports et recommandations “machines à gaz”, et réalité possible, il y a quand même un grand écart. Les “plans” sont souvent des listes interminables de “choses à faire”, de cases à cocher, de défis à relever. Les succès de ce type de plans sont souvent mitigés. Même la création de valeur suite aux milliers de milliards “quantitative easing” (planche à billets) est marginal. Ils sont dilués et ne vont que très peu vers l’économie réelle.
La Région Wallonne avec son “Get Up Wallonia” préconise un retour vers un pilotage par la Région — alors que le citoyen perd confiance en la “chose politique” (c’est une déconnexion problématique...). La Flandre lance des sites web et hackathons, mais se limite à incantations en surfant sur 50 ans de croissance et plein emploi. La FEB annonce une “triple crise”, et lance des causeries. L’Europe saupoudre l’Europe et les disputes de comptoir ont démarré. Les “économistes star” nous lancent leur “idée de la semaine” une fois de temps en temps — en angle mort avec les autres enjeux (sociaux et environnementaux). Nous ne voyons pas émerger de vision intégrée, holistique, systémique, cohérente, mobilisatrice.
En crise post-covid aurons-nous encore le luxe en 2021–2022 de gaspiller le temps, les espoirs, et les milliards ?
Faut-il vraiment sombrer encore plus loin avant de comprendre que notre façon de penser fait partie du problème ? N’avons-nous pas déjà suffisamment de preuves tangibles que notre système est en échec, et qu’il faut changer de paradigme de gouvernance, de stratégie entrepreneuriale et de stratégie territoriale face à cette mutation globale en cours?
Pour avoir étudié la question du “système”, en côtoyant dans les coulisses ceux qui nous gouvernent, tant au niveau politique que des multinationales, ainsi que calculé l’ampleur des enjeux horizon 2030, nous avons fait un rétroplanning rationnel sur base de ce que nous avons expérimenté sur le terrain pendant des années l’intelligence systémique sur des enjeux historiques historiques. Et malheureusement, je dois affirmer que ces plans de relance sont peu crédibles, difficilement finançables, n’offrant que peu de perspectives tangibles pour les citoyens et les entreprises à échelle de nos régions.
Pourquoi ce pessimisme ?
- L’ampleur financière et “macro” des enjeux: nous avons calculé pour la Belgique, sur base d’un demi-millier d’études de premier plan, que les 26+1 enjeux historiques couteraient aux alentours de 9 trilliards. 20X le PIB belge. Si nous voulons nous y prendre “à l’ancienne”, chacun de notre côté et enjeu/enjeu. Le triste état des finances publiques n’offre plus beaucoup marge de manœuvre. Et les quelques milliards de l’Europe en deviennent un non-événement.
- Ces 26+1 grands enjeux historiques vont converger en 10 ans. Tous à la fois. C’est du jamais vu. C’est comme un tableau de bord d’avion où tous les cadrans clignotent et alarmes sonnent. Nous n’avons aucune expérience dans la gestion de multiples crises à la fois, dans l’histoire: la “Tunnel Vision” s’installe... Les experts commencent à saisir les aspects exponentiels de ces convergences.
- Il n’existe pas de vraie volonté de changer fondamentalement de paradigme, des acteurs dans le système existant — au-delà de discours verts, promesses et incantations de beaux jours. Ce serait scier la branche sur laquelle “ils” sont assis (essayons de tirer jusqu’à la pension…).
- Quand bien même cette volonté serait là, celui qui ose “parler” se fait siffler immédiatement par les lobbies et les pouvoirs en place… qui y perdraient leur privilèges et rentes.
- La compétence de gestion systémique de la complexité est rare chez nos gouvernants et managemer dit de “haut niveau”. Encore et encore, les anciennes recettes sont ressorties du tiroir, avec des effets collatéraux parfois tragiques. Les exemples sont visibles à l’œil nu, il suffit de regarder autour de nous (exemple: il est largement prouvé que la posture optimiste et positive, le lien social, le sport et la bonne nutrition sont excellente pour la santé et l’immunité: et nous cultivons en continu la solitude, distanciation, sédentarité, peur et anxiété, et les hamburgers fast food. Edifiant !).
- Les talents et ressources humaines nécessaires à cet effet ne sont pas présents non plus. L’Europe continentale est vieillissante, enfant gâtée, et dépassée. Il manque déjà 250.000 personnes rien que dans le bâtiment pour sa durabilisation horizon 2030.
- Et enfin, l’hyperlégislations, l’hyper-règlementations et les lenteurs et routines administratives sont un obstacle majeur pour la réalisation rapide et efficace de ces changements colossaux nécessaires.
Les jeunes générations sont choquées de notre comportement — et les “bons” sont entrain de faire dissidences, refusant cet héritage au passif énorme — nous allons donc vers une vraie rupture sociétale intergénérationnelle.
L’urgence de prendre la vague
Elle passe ce printemps. Nous la prendrons en surf, ensemble, où nous boirons la tasse. Ça passe où ça casse. Nous n’aurons pas de deuxième chance car le découragement, le dégoût, l’appauvrissement général sera national. L’état psychologique de la population est tel qu’on ne fera rien de vraiment intéressant. Les chiffres de santé mentale et émotionnelle sont terrifiants (passé de 30% à plus de 50% de personnes “dans le rouge”).
La systémique — approche holistique — une alternative ?
Les approches systémiques commencent à être nommées, mais avec crainte car souvent incomprises. Elles font peur car on ne les comprend pas. Complexe par nature. Peu apprise à l’école ni à l’université, alors que c’est une “vraie science” contrairement à l’économie, qui est une “science molle”. De nombreux chercheurs comme Ervin Lazslo, Edgar Morin, Ludwig von Bertalanffy étudient et proposent des approches régénératives. C’est pour toutes ces raisons que je mets à la disposition de nos pouvoirs publics mon expérience systémique de l’action pour consolider dans un système cohérent (dans le cadre notamment de “Get up Wallonia”, le contenu des 350 pages de l’audit sur l’état de la Région, les 125 feuillets qui décryptent les résultats de la consultation citoyenne et les 250 autres qui résument les travaux de trois « task forces »). Une vue du système dans son ensemble, mappings systémiques, liens entre acteurs et enjeux, et solutions systémiques mobilisatrices, régénératrices. Simples à comprendre, et appropriable par chacun sur le terrain.
L’approche systémique se fait en “fractal”. La mutation se passe tant au niveau des individus, que des entreprises et diverses organisations, mais aussi des villes, régions, pays et continents. Les enjeux similaires se posent à chaque niveau, de façon similaire: incohérences, dysfonctionnements, effets négatifs corolaires des activités, passifs tangibles et intangibles non adressés, ressources en extinction,… La théorie offre déjà beaucoup, mais rien n’est mieux que la pratique. L’enjeu est de bien comprendre le lien: comment le détecter, le cartographier, l’activer, le consolider, le contractualiser, le vivifier, le rentabiliser. Et surtout — et voilà la vraie magie de la systémique — observer les propriétés émergentes du système. Et surprise, parfois il suffit de réaliser des actions “d’acupuncture de ville”. Une immense création de valeur pour un input minimal.
Et dieu merci, nous ne sommes pas seuls. Des centaines d’équipes font des choses extraordinaires un peu partout dans le monde— mais trop souvent sous les radars. Nous avons commencé l’inventaire, ainsi que travaux et expérimentations locales sur le terrain avec Extrapreneurs qui redémarre dans 8 villes/6 pays d’ici fin mars 2021, et dans une 20-aine en anglophonie en octobre.
Exemples de projets non exhaustifs (chacun étant disruptif et systémique pour chaque secteur): traitement de déchets décentralisé, formation professionnelle en P2P, immobilier multifonctions, cohabitât intergénérationnel, production locale et multifonctionnelle d’énergie, ecohameaux autonomes, gestion de capital familial multi-niveaux, valorisation de déchets du retail, santé et prévention, mobilité multimodale, artistes créateurs de culture, coopératives agricoles durables avec leurs points de vente.
Notre solution, le Plan B
Créons des “îlots de résilience”, ancrés dans territoires fertiles et accueillants de cette nouvelle philosophie — comme (re-)planter des “mangroves” sur des berges arides et délavées. Il s’agit d’enraciner l’économie dans le local, activer des liens, collaboratifs — et démarrer de nouveaux écosystèmes à haute valeur ajoutée multiples. Ces écosystèmes doivent être collaboratifs entre citoyens — pouvoirs publics locaux — entreprises (“Triple Helix”). Et, sur les besoins locaux, et ressources activables, nous formons des équipes intergénérationnelles à ce nouveau fonctionnement, sur des projets réels. C’est beaucoup plus excitant et pédagogiquement hyper-efficace. Les équipes coconstruisent des “multi-solutions” — en activant des ressources sous-utilisées, en donnant le meilleur d’eux-mêmes, de leurs talents.
Les “ingrédients secrets” de succès
La transversalité sectorielle, générationnelle, fonctionnelle. Les alliances public-entreprises-citoyens. Les business-modèles “multisolutions”, répondant à plusieurs enjeux à, la fois. L’activation de ressources sous-utilisées à tous niveaux tangibles et immatériels. Croiser ces ressources avec besoins criants, dans écosystèmes de parties prenantes. Considérer chaque enjeu/problème/défi, comme un signal d’une incohérence, et donc comme un trésor une fois traversé et alchimisé. Communautés apprenantes autour de passions communes. Mais surtout, une méthodologie structurée, une feuille de route avec outils systémiques accessibles et cohérents. Et finalement, avec et par des individus “reconnectés” à leur puissance, leur rêves, talents et épanouis dans leur cohérence et propre vérité.
Comment activer les leviers pour créer des effets boule de neige ?
Les programmes doivent être “entertaining”, mobilisant, sexy et attractifs. Également, dans un esprit de “marquer l’histoire”, de contribution à une quête élevée. La pensée et l’action “reliée” servant le plus grand nombre, inclusif “by design” — non cloisonnés donc comme souvent c’est trop souvent le cas. La dynamique doit être forte, autonome, trancher avec “l’ancien système”, genre “construisons à côté” — et du coup le rendre plus désirable que l’ancien. Le rendre efficace et créateur d’emplois, d’épanouissement et de vision d’avenir. A cet effet, activer les leviers multiplicateurs naturels, financiers, d’hyper-efficacité, motivation passionnée, émergence de nouvelles connaissances multiplicatrices, de bien commun qui attire des parties prenantes multiples — en premier les talents entrepreneuriaux. Ne pas le faire aura comme résultat probable que les fonds et les efforts convergeront vers quelques acteurs qui se seront bien “positionnés”, éteignant naturellement — et très vite — les énergies vitales du reste du terrain, menant à très peu de valeur réelle — voir négative par effets systémiques inverses.
En conclusion
Les “plans de relance”, oui, mais afin d’éviter pertes d’argent et de temps précieux, d’espoirs et efforts, il faut absolument à activer de façon méthodologique les leviers et clés de succès systémiques. Créer une cohérence d’ensemble compréhensible qui mobilise tout un chacun. Et pour ce faire, nos équipes peuvent vous y aider.
Prof. Michel de Kemmeter